Eurêka* !

Deux ans de gamberge et puis un jour tout se débloque ! Le concept du Canovélo est pourtant très simple sur le papier : un vélo tracte un canoë et ce même canoë porte tout sur l’eau. Oui, mais ça, c’est sur le papier…

Par Paul Villecourt.

Ce coup-ci, je connais la musique. Avec l’expérience de la Grande Traversée en canoë, réalisée en 2017 (de Genève à l’atlantique, 1500 km en 2 mois), j’ai appris le long processus impliqué dans la création d’une idée ou d’un projet. D’abord une étincelle… qui devient une obsession. Les nuits d’insomnie à se demander « oui, mais si ? », à avoir peur de rater ou de passer pour une pomme. Les amis qui te regardent avec des yeux ronds, leurs silences qui te font douter. Mais au fond de toi, bizarrement, cette espèce de certitude que tu vas y arriver parce que le prétexte est plus fort que tout : se balader dans la nature en toute liberté !

Bien sûr, d’autres ont déjà essayé. Une bande d’allemands ont fait plusieurs trips en kayak + vélo : « Bike2Boat ». Mais le but était plus d’écumer les rivières alpines en les atteignant à chaque fois en vélo. Ce que je cherchais de mon côté, c’est la continuité du voyage, dans une version plus douce (les rivières difficiles : j’ai donné…). A droite à gauche sur le net, je trouvais quelques hurluberlus (comme nous) qui se lançaient dans des mini voyages canoë + vélo avec des montages approximatifs ou des parcours relativement adaptés (et donc plats). Car la plus grande problématique, c’est le poids !

Mission photos « On s’fait la malle » pour l’agence Safran Tours.

Je suis devenu adepte du vélo voyage il y a seulement quelques années. Que ce soit avec des sacoches ou une remorque, quand on dépasse les 30 kg de charge, l’affaire devient compliquée et surtout très physique. Ou alors, comme dit Christian, mon équipier, il faut « démultipier ». Effectivement, avec les bons plateaux et pignons, on peut faire avancer une grosse charge dans les montées, mais à la vitesse d’une tortue. Encore faut-il que la tortue ait un coeur et des jambes en acier ! J’en ai fait l’expérience au cours de l’été 2020, lors d’un repérage partant de la maison (Aouste-sur-Sye dans la Drôme) pour rejoindre la Loire, 30 km en amont de St Etienne. Dans la montée de Retournac, j’ai cru que le coeur allait lâcher, mais peut-être parce que c’était la journée la plus chaude de l’année (42°C)… Ce jour là, je me suis dit que je n’arriverai jamais à voyager avec un canoë derrière mon vélo. 60 kg à tracter, peut-être plus : l’expérience serait aussi agréable qu’une randonnée avec une collection de fers à repasser dans le sac à dos. Pendant un an, j’ai cherché à m’équiper d’un canoë ultra léger (carbone) pour rester en dessous de ce seuil des 60 kg. La chose était presque faite et une pandémie a bouleversé les chaînes de production. Là, j’ai pensé à baisser les bras. A moins que…

Repérages maison / Loire par 40°. Mauvaise idée…

La fée électricité a frappé à la porte. Evidement, tout de suite, le projet devient moins héroique, moins vert, forcément plus dépendant. C’est vrai, mais il devient jouable ! Ca aussi, c’est une leçon de la Grande Traversée ou encore de l’Open Canoe Festival que j’organise chaque année : s’adapter pour avancer et faire en sorte que le projet reste fun. Toujours ! L’exploit n’est pas le but, cela n’a jamais été mon credo. Une seule obsession : être libre ! Une seule concession : la prise de courant. Et là, je ne me doutais pas des possibilités qui s’offraient à nous. Le canoë est une embarcation d’une grande simplicité. Les formes d’aujourd’hui sont quasiment les mêmes que celles des premiers explorateurs d’Amérique du Nord. Les vélos électriques, quant à eux, sont des bombes de technologie qui allaient enfin tout démêler.

Le hasard fait que j’habite à 30 km du bureau français de l’une des plus grandes marques de vélo au monde. Après avoir appris leur catalogue par coeur, je vais donc frapper à leur porte pour expliquer que l’un de leurs modèles ultra light serait peut-être l’engin idéal pour mener à bien mon projet. A ce moment là, je suis un enfant dans un magasin de jouets ! La marque me fait un accueil incroyable en me permettant de tester plusieurs vélos. Parti sur modèles électriques « super light » (très légers, très grande autonomie mais au prix d’une assistance moindre), je finis par découvrir leur bête de course ! L’un des VTT électriques les plus puissants du marché que Christian et moi testons sur les plus beaux parcours Drômois. Nous avons trouvé l’élu !

Cette photo est dédiée à Jean Castex…

Reste à savoir comment il va s’entendre avec le canoë. Déjà, rentre-t-il dedans ? Bingo ! Ensuite, comment va-t-il supporter le chargement à tracter ? Les techniciens de la marque ne se font aucun soucis de ce côté, les moteurs pouvant supporter des utilisateurs très lourds. Et effectivement, le test avec bateau chargé passe comme une lettre à la poste. Non seulement, le vélo tracte sans aucun problème en pente raide alors qu’il est en mode assistance minimum, mais les tests de batterie nous permettent aussi d’envisager au moins 50 km d’autonomie sur le plat, peut-être plus.

Canoë : check. Velo : check.

Plus qu’un détail à régler et pas des moindres : la remorque. Et c’est sur cette question que nous avons passé le plus de temps. Deux solutions s’offraient à nous. Le système D ou un modèle de série. Une solution maison nous a toujours beaucoup tenté car concevoir un charriot simple et solide est assez facile.

En revanche, le système d’attache entre le canoë et le vélo est un véritable casse-tête que nous avons retourné dans tous les sens. Un bricolage est jouable, mais supporterait-il les vibrations sur la route ? Parallèlement, nous avons fouillé toutes les solutions existantes sur la planète. Elles sont plutôt rares (2 ou 3). Après avoir acheté l’une d’entre elles à prix d’or, nous attendons un nouveau modèle d’une autre marque allemande, spécialement conçue pour tracter les canoës en vélo.

Quoiqu’il en soit les premiers essais réalisés avec l’ensemble remorque + canoë + VTT électrique fonctionnent parfaitement. Pour la partie canoë, on sait faire… Eurêka * !

* Eurêka ! est le cri que, selon la légende, le savant grec Archimède aurait lancé au moment où il comprit les lois qui régissent la poussée que les objets subissent, selon leur densité, quand ils sont plongés dans l’eau ou tout autre liquide, ce qu’on appelle la poussée d’Archimède.

https://www.youtube.com/watch?v=ni4MjDhzXCc

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